Poèmes
Depuis,
Comme une trace de vie,
A la rencontre de la moindre des choses,
J’avance dans la conscience de la force et la fragilité
de la germination.
Avec le bois, le fer, toujours le verre.
Assembler des rencontres,
semer à la volée le temps qu’il fait, le temps d’avant,
de maintenant et lentement, exister.
Telle une greffe,
j’apporte à ces espaces sacrés la lumière par la cassure.
J’assure la trouvaille d’un brin de paix et pourquoi pas de joie avec cette matière souvent usée, abandonnée.
Toucher le plus simplement possible notre intime,
nos histoires de vie d’Homme debout et d’argile.
Traverser pour sans fin trouver la Beauté.
Bernard Froment
Le Bestiaire
Depuis l’arbre, toujours l’arbre.
Dans sa sève coule nos veines.
Tous ces moindres bouts de bois,
Ces bouts de lui-même, ces bouts de soi même,
J’aime.
Et puis un jour, un clin d’œil, de lui à moi, de nous à lui, presque à la fin de sa vie, là devant, juste devant,
L’animal.
Il est là.
Il attend que je lui redonne vie.
Comme un chirurgien du verbe Aimer, lui remettre ce qu’il a perdu.
Une aile, une griffe, une corne, un œil, toujours de verre.
Capturer la lumière dans le moindre éclat.
Son regard reste jeune.
Il est là devant nous et sait exactement d’où il vient, ce qu’il veut, avec le peu et le presque rien, il est heureux.
Plus de peur, pas d’heure ni d’âge, il est juste dans la présence du partage.
Tant pis, tant mieux. Il est doucement joyeux.
Ici j’écris sur lui : « Aux arbres, et cætera… »
Matérialisation des sentiments
La sculpture est, pour moi, la matérialisation des sentiments.
Elle est et va à l’essentiel.
Elle ne joue pas, elle ne triche pas,
elle est la conscience même de la beauté.
Pour et avec mon métier d’agrisculpteur,
elle est selon moi le meilleur moyen d’exprimer
la douloureuse reconnaissance du monde paysan.
L’humanité n’est rien si elle ne reconnaît pas sa mère.
Celle qui la fait naître et qui la nourrit : la Terre.
L’homme,
cette fragile et légère graine n’est rien
sans la nourriture qui le maintient en vie.
Respect, reconnaissance et transmission.
Sillon après sillon,
unissons-nous pour écouter la chanson de la troisième dimension.
Au-delà de la sculpture, c’est de l’art dont j’ai envie de parler,
celui qui élève, celui qui apporte, celui qui germe.
Dans le silence,
dans la transparence du temps qui fait, du temps qui est,
Etre toujours prêt à l’éternel instant de paix
et semer en pleine liberté pour récolter la larme fraternité.
Juste et simplement
Juste et simplement
Au départ, l’ARBRE.
Se souvenir de la chlorophylle,
D’un clin d’œil,
Une évidence,
Du bois à l’homme, vivre,
Trace intime de notre existence.
Nous sommes liés, reliés par la réalité profonde du vivant,
Du vivre essentiellement ensemble.
Tous ces bouts de bois,
Souvent abandonnés,
ont servi et ont été touchés par la main de l’homme.
Leur mémoire est intacte.
Je les apprête comme un jour de fête,
je les redresse, leur offre un socle et dans un élan paysan
je leur apporte une nouvelle germination,
une étincelle de lumière,
une nouvelle chance.
Le verre pour exprimer la vie et la survie,
pour et avec la joie de naître, de renaître sans peut être.
Sans doute reprendre le chemin du petit matin,
ils reviennent de loin et maintenant ils vont encore plus loin
pour montrer leur force et leur fragilité,
leur générosité d’aimer encore et encore.
Même parfois sans écorce,
Au-delà d’un corps vieilli, ils redonnent l’an Vie,
Au-delà du presque rien,
Dans l’assemblage secret d’un soin apporté, ils sont là
Avec nous et pour nous.
Toujours et encore comme une nouvelle semence,
Dans un habit intime et ultime d’humilité et d’intériorité,
de joie et de rosée,
Heureux d’exister
et dans une envolée de liberté
ils essaient d’atteindre le cœur de l’homme debout et d’argile,
sur un fil, avancer et Raimer, pour atteindre le silence de la Paix.
Quoi faire de plus que d’amener la Vie à la Beauté.
Les Dioms
Nous voilà ici, déjà, maintenant, à cet instant, dans cet état de fait,
dans un état d’évidence qui fait que nous sommes encore debout et en marche.
Ces êtres sont les derniers nés d’un espace libéré.
De ces têtes échappées du feu, le meilleur de l’arbre reste une pensée.
De ce cou de verre, encore une fragilité et une colonne entre pensée et matérialité.
Ces êtres sont habillés de sacs de blé, de maïs, de sacs de vie au service de nos vies.
Comme pour nos vies, remplir, vider, user, et avec joie ils sont renversés et éclairés par la lumière.
Cette lumière intérieure qui est donnée à tout être vivant. Ces sacs ouverts, déchirés entre cœur et bas du ventre, juste à l’endroit précis d’où jaillit la force.
Elle est protégée, filtrée par une assiette de verre, un ustensile qui leur sert à manger.
Prendre et être dans la conscience de notre Nourriture, essentielle à notre Vie. Nous ressemblons à ce que nous mangeons.
Pour finir ces êtres sont sur un socle qui les relie à la terre et au travail des hommes : un disque, un outil agricole comme racine.
Leur habit a aussi quelques taches de miroir ; sans être narcissique il est le lien, la correspondance comme un phare au bout de la jetée.
Ces êtres, mes êtres ont tout reçu, tout vécu ; ils avancent seulement dans la conscience de l’essentiel, dans une sérénité, une austérité et une profonde relation avec cette lumière intérieure qui est leur seule notion de guérison. Ils sont sortis de cette pauvre dualité : plus d’influence, au-delà de la peur, au-delà de la cassure. Juste une intense intériorité, personnalité qui les pousse à être reliés surement aux autres et à autre chose.
Ce sont des Dioms, mi Dieu, mi Homme. Simplement des êtres d’exception et de grande sagesse.
Ils sont dans la connaissance. Tout est en eux et c’est parce qu’ils sont Eux qu’ils peuvent être avec les autres. Ils sont dans la Transmission.
La pauvreté est le refuge en l’Autre ou l’accusation de l’Autre.
Eux sont Lumineusement Heureux.
Ensemble dans le champ, dans le vent sonore,
Tout près de l’Arbre aux oiseaux dorés,
Ils sont en Paix.